État récapitulatif des travaux : quelle(s) obligation(s) pour le bailleur ?
Depuis l’entrée en vigueur de la Loi PINEL du 18 Juin 2014, un inventaire des catégories de charges, impôts, taxes et redevances doit obligatoirement être intégré dans le corps du bail commercial.
L’article L. 145-40-2 du code de commerce impose l’établissement d’un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liées au bail commercial avec leur répartition entre bailleur et locataire.
Cet inventaire doit figurer dans le contrat de location.
Notons aussi que cet inventaire peut valablement être constitué par une annexe. Mais il se peut que des charges soient définies ailleurs que dans ledit inventaire.
Par ailleurs, ce même article exige également que le bailleur communique un état prévisionnel des travaux envisagés sur une période de trois ans, ainsi qu’un budget prévisionnel.
Ce document obligatoire s’impose au bailleur.
A la conclusion du contrat, le bailleur doit fournir au locataire un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser, assorti d'un budget prévisionnel :
"Lors de la conclusion du contrat de location, puis tous les trois ans, le bailleur communique à chaque locataire :
1° Un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel ;
2° Un état récapitulatif des travaux qu'il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût." (Code de commerce, art. L. 145-40-2).
La loi PINEL de 2014 n’a pas prévu de sanction en cas d’état prévisionnel des travaux erroné.
Faut-il en déduire que le bailleur n’est pas tenu d’une obligation légale de réaliser les travaux prévus dans cet inventaire ?
Certains juges ont déjà considéré que les travaux prévus, mais finalement non réalisés, ne sont pas dans le champ contractuel et donc, que le non-respect du prévisionnel ne permet pas d'engager la responsabilité du bailleur.
Dans une espèce récente, les juges relèvent :
"Par ailleurs, il figure en annexe n° 5 du contrat de bail commercial un « état récapitulatif des travaux des trois dernières années par le bailleur et le prévisionnel des travaux à venir ». Selon ce tableau, il apparaît qu'en 2017 le prévisionnel est de 100 000 euros HT et de 3 000 000 euros HT en 2018.
Cependant, il sera observé que le bailleur a simplement informé son locataire de travaux de rénovation à venir (« prochainement », « devraient être réalisés dans le courant de l'année 2018 ») sans en communiquer une date précise comme le confirme par ailleurs l'annexe n° 5 (« prévisionnel des travaux à venir »).
De plus, les juges déclarent qu' "il convient de relever que le bail commercial, pièce communiquée par chacune des parties et par conséquent dont le contenu est contradictoire, indique sans ambiguïté dans le « paragraphe CG6 ' travaux réparations » que « le bailleur communique un état indiquant « - Le prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel. Cet état prévisionnel n'emporte aucune obligation de la part du BAILLEUR de réaliser les travaux dans le délai indiqué qui pourront être repoussés ou abandonnés pour quelque motif que ce soit. ' Le récapitulatif des travaux que le BAILLEUR a réalisé dans les trois années précédentes, précisant leur coût ».
Tirant les conséquences de ces faits , les juges de la cour d’appel de Nîmes décident : « Par conséquent, dès lors que les travaux de rénovation ne figuraient pas dans le champ contractuel, la SAS Les 7 collines n'a pas manqué à son obligation de délivrance et d'entretien." (Cour d'appel de Nîmes, 10 octobre 2025, n° 23/03424)
A retenir : Le prévisionnel a donc une portée uniquement indicative
Allant au bout de leur raisonnement, les juges du fond retiennent que l'état des travaux n'étant qu'un prévisionnel, une évolution même significative du budget de travaux n'engage pas la responsabilité du bailleur ou n'entraîne pas la nullité du bail, dès lors que la décision du locataire de conclure n'était pas déterminée par ce prévisionnel :
"Le bail énonce le projet de restructuration et d'extension, avec transfert de la surface de vente intérieure de l'enseigne Brico Dépôt et le réaménagement du parking personnel en 'cour des matériaux' de la même enseigne. Ces travaux étaient donc connus du preneur, et les premiers juges soulignent justement que ce dernier a trouvé avantage à récupérer après travaux, une surface commerciale mieux adaptée à l'évolution de son commerce et mieux desservie.
Il résulte du bail que le preneur a déclaré que les montants et coûts de travaux, communiquées, susceptibles d'évolution, n'ont pas prévalu dans sa décision de conclure.
Dès lors, les informations données par le bailleur s'agissant de l'état prévisionnel des travaux, dont il est soutenu qu'elles ont été incomplètes, ne peuvent en tout état de cause, être qualifiées de déterminantes pour la société Brico Dépôt. Il est observé qu'elle ne sollicite pas la nullité du bail, se limitant à prétendre à une responsabilité de son bailleur et à solliciter réparation." (Cour d'appel de Rennes, 27 novembre 2024, n° 22/00385).
Ce qu’il faut retenir en l’état actuel de la jurisprudence :
Qu’en présence de stipulations claires et détaillées ne nécessitant aucune interprétation du contrat et de recherche de la volonté des parties, l’inventaire des catégories de charges, impôts, taxes et redevances peut être constitué d’une annexe et d’autres stipulations dans le bail.
Qu’il n’existe pas de sanction à un état récapitulatif des travaux des trois prochaines années qui serait incomplet.
Qu’aucune sanction n'est à appliquer en cas de non-communication de tous les travaux dans l’état récapitulatif des trois années à venir, qui doit être communiqué au locataire.
Qu’en l’état de la jurisprudence, l’état récapitulatif prévisionnel n’a qu’une portée indicative.
Mais attention, dans les deux affaires les magistrats du fond ont jugé dans l’intérêt du bailleur, en raison de clauses précisant que le prévisionnel était indicatif et que ce qu'il prévoyait pouvait évoluer.
Mais également, les juges du fond ont relevé que le locataire n'était pas déterminé dans sa décision de signer le bail par le contenu de l'état prévisionnel des travaux.
Intégralité de l'artcle: https://hub.fnaim.fr/hd/lmsi_3710846/fr/etat-recapitulatif-des-travaux-quelle-obligation-pour-le-bailleur