Acheter: une passoire thermique et la rénover ou un logement moins énergivore ?
Acheter une passoire thermique permet d’obtenir une décote mais la rénovation d’un logement énergivore peut sembler coûteuse. Certains ménages préfèrent se tourner vers l’achat d’un logement déjà économe en énergie. À tort ou à raison ?
«Nous avons regardé les prix des travaux de rénovation énergétique pour pouvoir effectuer des sauts de classe (de F à C). Des travaux dont on a déduit les aides. Ce qui est intéressant, c’est que l’écart de prix peut parfois être vraiment très important. En achetant une passoire thermique et en la rénovant, on peut faire un gain de 15, 20 voire 30% sur la valeur du bien», assure Sylvain Le Falher, cofondateur d’Hello Watt, spécialiste de la rénovation énergétique, qui a réalisé une étude sur les passoires thermiques à rénover en les comparant à des biens peu énergivores.
Prenons l’exemple d’une maison de 200 m², en zone rurale, dans le village de Marzy, situé dans la Nièvre (58), vers Nevers. La propriété est classée F, une vraie passoire thermique donc. Le prix moyen du mètre carré pour un logement D (D étant la référence moyenne correspondant à la classe énergétique la plus fréquemment rencontrée dans le parc immobilier français) à Marzy est de 1511 euros. Là, si on applique une décote de 455 euros par m² liée à la mauvaise performance énergétique du bien (estimation réalisée par SeLoger), le prix de la demeure passe de 302.200 euros à 211.200 euros. Un bien classé C dans ce village voit sa valeur augmenter de 159 euros par mètre carré par rapport à un logement D et atteint 334.000 euros. Pour un bien de 200 m² de ce type, la différence de valeur entre F et C est de 122.800 euros. Si l’on achète cette maison à l’étiquette F et que l’on envisage une rénovation énergétique globale pour faire passer le DPE de F à C, il faut compter plus de 56.000 euros de travaux TTC (isolation des combles, isolation des murs par l’extérieur, remplacement du chauffage par une pompe à chaleur air-eau...). Même sans évoquer les aides à la rénovation, le montant des travaux est inférieur à la décote. Rénover est plus rentable qu’acheter un logement avec une bonne étiquette énergétique, selon Hello Watt.
Des aides intéressantes
Si on ajoute les aides Ma Prime Rénov’, certaines peuvent atteindre jusqu’à 80% du montant des travaux, selon les revenus. Même pour des ménages aisés, les aides peuvent dépasser 13.000 euros. Le montant du reste à charge est de 43.000 euros. Pour des ménages très modestes, l’aide peut carrément monter à près de 48.000 euros et le reste à charge est de 8400 euros environ. Ainsi, si l’on achète une maison de 200 mètres carrés classée C à Marzy, il faudra débourser 334.000 euros alors qu’une maison similaire classée F et sa rénovation d’ampleur coûteraient entre 220.000 et 255.000 euros en fonction des revenus. La rénovation énergétique est plus rentable.
Maintenant, prenons l’exemple d’un appartement de 50 m² à Paris, classé F. Une isolation par l’intérieur sera nécessaire pour le faire passer en D, ainsi que le changement des fenêtres. Le prix moyen du mètre carré à paris s’élève à 9000 euros environ. L’appartement s’il était classé en D vaudrait donc 467.750 euros. La décote de 352 euros par mètre carré s’applique pour un logement F. La valeur est alors réduite à 450.150 euros. Le montant des travaux se chiffre à près de 12.000 euros. L’isolation thermique par l’intérieur entraîne une perte de 3 m², qui impactera la valeur finale du bien. Ce dernier se retrouvera avec une nouvelle surface de 47 m², une fois rénové il vaudra 439.685 euros. En le rénovant, on perd entre 12.400 et 19.800 euros. Il est plus rentable d’acheter directement un appartement classé D. De plus, ce type d’isolation implique de se reloger, le temps que les travaux soient effectués, ce qui grève encore plus le budget des ménages. La perte de surface peut aussi rendre la location impossible. La surface minimale légale pour louer est de 9 m². «À Paris, si on ne peut pas améliorer le DPE autrement qu’en faisant une rénovation par l’intérieur, on observe une légère perte», reconnaît Sylvain Le Falher.
Avant d’ajouter : «la rénovation énergétique est très rentable quels que soient les revenus des ménages. Même pour les personnes aisées, cela reste intéressant. Pour les particuliers, les travaux sont perçus comme compliqués mais il y a une surreprésentation de ces difficultés. Ce que l’on peut conseiller à des particuliers, c’est de regarder le niveau des décotes associées aux DPE et se renseigner sur les travaux nécessaires pour améliorer la note du DPE. Bien souvent, avec un ensemble de gestes d’isolation, une pompe à chaleur, il est possible de réaliser un saut de trois classes sur le bien avec une enveloppe de travaux maîtrisés. Souvent l’écart de la décote est supérieur au coût des travaux», conclut Sylvain Le Falher. La rénovation reste plus rentable pour les maisons que pour les appartements en tout cas.